Démonstration de la non pertinence des dictons ancestraux : N°1 : «La musique adoucit les mœurs» (lundi, 15 août 2005)

Depuis que je vis avec Jules…

Attendez je répète lentement : depuuuis queeee jeeee viiiiiie avvveeeec Juuuuuuuuuuu llllllllllllllllllllllllllll eeeeeeeeeeeeeeeeeee sssssssssss

- Jules?

Il est dans le lit. Il repose comme un nénuphar sur l’eau stagnante d’un drap housse décoré par les dents du chat. Grenouille sur une aquatique voisine, je le reluque à l’envie.

- Mmm

- Tu dors ?

- Mh, je suis dans mon lit, j’ai les yeux fermés, je dors.

- D’où tu tiens cette logique… Il est 11 heures. Tu as laissé ta musique allumée.

- Mmm.

- Elle est restée allumée toute la nuit !

- Mmm.

- Jules, Dieu sait que je t’aime mais est-ce que tu ne POURRAIS PAS TE LEVER POUR ETEINDRE CETTE MUSIQUE QUI ME REND CINGLEE DEPUIS HIER SOIR !!!

- Tu n’as pas tes boules Ear ?

- …

Le meurtre eu lieu après six mois de vie commune. La police a découvert le pauvre homme baignant dans son sang. Les morceaux de disques causes de son décès, hérissaient son corps de curieuses excroissances noires et arrondies. L’inspecteur Gtoukomprix a constaté le vide intersidéral des rayons de la bibliothèque ainsi que celui du placard étiqueté CHOCOLAT. Les soupçons se portent sur l’amie intime du défunt. Elle est activement recherchée par la police.

Je me suis souvent demandée comment deux personnes liées par des activités nuitales ludiques et à priori agréables, pouvaient en venir aux mains de si méchante manière. Commencer par se regarder dans le blanc des yeux d’un air béa et finir trucidé à coups de marteau par son (sa) cher (e) et tendre m’a toujours paru un comble d’absurdité. Jusqu’à ce que…

- Tu ne veux pas éteindre ta chaîne ???

- Laisse moi dormir mh.

Je réfléchis à deux fois avant de mettre « sa » entre parenthèses. Il est plus couru dans nos contrées de finir trucidée par SON cher et tendre que par SA chère et tendre. Triste bilan de statistiques nationales. Je devrais être rassurée par le fait que si je meurs de mort violente, j’ai toutes les chances pour que le responsable de mon trépas se cache parmi mes proches.

Ce n’est pas qu’à moi toute seule je veuille inverser les statistiques mais je suis à deux doigts de penser que la vie à deux, même avec Jules, va me transformer en meurtrière patentée. Une chose me retient cependant; chercher le calme nécessaire à la survie de ma cervelle, risque fort de me propulser dans la rumeur sans fin et la promiscuité effrayante d’une prison.

La lumière de midi traverse les rideaux. En semaine, le radio-réveil de Jules, réglé sur une station de musique propice à un lever infaillible, hurle à sept heures. Elle persiste longtemps dans son insistance à vriller mes oreilles. Elle est accompagnée à intervalles réguliers des sonneries vibrantes, pulsantes, antiques, des trois réveils et des deux téléphones, nécessaire à l’activation du bipède qui partage ma couche. Je parviens à m’extraire du lit quelque minutes après lui, tenaillée par la volonté farouche de tuer le Alien sadique bestial et surpuissant qui habite tous les réveils de la planète. Entre le meurtre odieux et la séparation de corps, un compromis reste possible. Je m’efforce d’y songer, yeux mi-clos, dans la tiédeur des plumes. À ce point de mes réflexions, Jules tombe du lit tel un dieu grec de son nuage, va éteindre la chaîne me plongeant immédiatement dans les bras de Morphée qui n’attendait que ça. Il me réveille quelques éternités plus tard, accompagnant un petit déjeuner tardif : sac de croissants, confitures, miels, et thé, de trois délicat baisers dans le cou.

- Jules.

- Mmm.

- Ça s’éduque des oreilles ?

- Mmm.

Trucider Jules ??? Moi ????

Ai-je jamais eu pensée si étrange…

 

mh,

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