La maison derrière la vitre. (jeudi, 07 janvier 2016)
J'ai longtemps rêvé de maison.
J'ai, dans ma petite chambre d'étudiante en son temps, puis dans mes studios parisiens, toujours imaginé les maisons où, plus tard, je me voyais vivre.
Pour étayer mes rêves, je pillais les bibliothèques de tous les livres de décoration. Je me ruinais avec un plaisir extrême, en revues luxueuses, pleines du "chez soi" des autres, de bois précieux, de cuisines splendides.
Les deux premiers romans que j'ai tentés d'écrire et surtout de finir, se nourrissaient de bâtisses anciennes retapées, et de jardins. Je créais là, ce que je ne pouvais ou ne savais créer ailleurs. Mes héros ou héroïnes y vivaient à tel point ! Je pouvais, dans mes mots, soigner une décoration issue de mes lectures et de mes rêves. J'habitais à la fois les maisons et l'histoire. Je me sentais chacun des personnages.
Être à la fois une maison et un jardin, être un vieil homme et son exil, être les montagnes, la fuite, la joie, la violence, la mélancolie, la colère.
Un moment, J'ai cru devenir amoureuse d'écrire, puis j'ai compris que j'habitais mes mots, que là se trouvait ma demeure.
J'ai abandonné les livres et les revues que je feuillette désormais plus légèrement.Je ne m'inquiète pas de celle que jamais sans doute je ne construirais puisque je tente de la bâtir en moi. Mes mots devenant le reflet de ma propre architecture.
J'ai passé des heures à rêver. J'ai passé des années à tenter de construire mes histoires.
À pleurer sur mes mots murés qu'un souffle écroulait. Je ne percevais pas qu'avant d'habiter mes mots, il fallait que je me construise, que je connaisse les matériaux qui me constituent que j'évalue leur "qualité".
Peut-être un jour réussirais-je à édifier ce que l'on appelle une maison.
Peut-être mes histoires commencent-elles à tourner rond.
Je me demande si l'une de mes demeures n'est pas aussi ici, "derrière la vitre", riches de vos yeux, de vos richesses, de vos puissances et de vos fragilités de vos recherches, de vos tâtonnements.
Un lieu (et pourquoi pas virtuel ?) ne se nourrit-il pas de ceux qui le traversent ?
Rêver qu'un jour, chacun de nous trouve sa maison ; des amis et des aimés pour la peupler.
Oh ! Parvenir à ne plus le rêver !
J'ai été détourné du sujet initialement prévu par un livre : il s'agit d'"Un homme sur la plage" de Jennifer Johnston, dans la jolie collection "motifs".aux éditions "le serpent à plume".
mh,
(Texte du grenier)
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Commentaires
Marie-Hélène , je me souviens très bien de toutes ces revues de décoration qui remplissaient les étagères du studio très haut dans le sud de Paris !!!!!!
Écrit par : Pitoun | vendredi, 09 août 2013
studio très haut et très petit !!! J'ai moins de revues de déco et un peu plus de place. A bientôt !
Écrit par : mh | dimanche, 11 août 2013
la vitre. insoupçonnable transparence qui rendrait fou n'importe quel oiseau sauvage.C'est là le paradoxe: croire que d'autres peuvent t'atteindre, parce que quelques mots jetés en pâture (dans tes romans, comme une peintresse jalouse, tu poses tes histoires, mais tu ne dis pas tout de toi) donnent le change... Mais ton âme, ton sacré duende, tu les gardes comme des enfants malades, et ceux qui cassent la vitre (ou qui essaient l'effraction) sont promptement bannis... Alors écrire, écrire encore, jusqu'à la nudité de ton être, jusqu'à ne plus avoir rien à donner, jusqu'au jour où la vitre sera inutile, parce que tout sera vrai, définitif, sans besoin de retouche. Et ce jour-là, vivre sera devenu sans intérêt, puisque le bonheur sera là...
Écrit par : pablo | lundi, 12 août 2013
Le temps passe. Les vitres sont nettoyées régulièrement, peu importe où elles sont. Pour garder une transparence, faire croire qu'on est admissible, touchable. Mais le verre, Bon Dieu, le verre qui fait glisser la pluie et les émotions qu'on veut faire entrer, ou sortir...
Écrit par : pablo Robinson | dimanche, 04 octobre 2015