La mort de qui, de quoi, des abeilles ? (dimanche, 29 mars 2009)

ruches-brueghel.jpgOu de l'utilité d'ouvrir les yeux sur l'essentiel.

Extrait:

Diffusez cet article, alertez vos élus car le cruiser :

- constitue une grave menace supplémentaire pour nos abeilles,

- constitue une grave menace pour l'eau, de nos rivières jusqu'à notre table.

 

"L'abeille disparaît à cause des pesticides Le Grenelle de l'environnement a viré en Grenelle de l'empoisonnement : l'industrie agrochimique remplace les anciennes molécules moins rentables par de nouvelles bien plus lucratives et d'une toxicité encore jamais vue. Maintenant, on ne mesure plus le toxique en mg/l, ou en ppm, mais en ppb (partie par milliard).

Exemple du Cruiser récemment autorisé. La fine pellicule d'enrobage d'un grain de maïs contient 0,63 mg de thiaméthoxam (source Syngenta). Ouvrez un ces sacs de semences Cruiser, prenez un grain de maïs, un seul, balancez-le dans une cuve de 5 000 litres d'eau, vous atteignez une contamination de 0,126 microgramme/litre, soit au-dessus de la norme européenne de 0,1 microgramme/litre pour l'eau potable.

 

Le thiaméthoxam est hyper soluble dans l'eau (jusqu'à 5 gr/litre d'eau). Semé à 100 000 grains/hectare, le potentiel de contamination d'un ha de maïs Cruiser correspond donc à la contamination potentielle d'un demi-milliard de litres d'eau à 0,126 microgrammes/litres.

Une partie de ce thiaméthoxam arrivera inéluctablement à votre robinet. Une partie aussi, c'est l'objectif, se diffusera dans la sève de la plante et, cette fois, ce sont nos petites abeilles et tous les insectes pollinisateurs qui resteront sur le champ. Et quel impact d'un tel poison sur les vers de terre et toute la flore microbienne du sol ?

Les firmes chimiques connaissent l'extrême toxicité de la molécule ainsi que sa rémanence : "Une utilisation seulement tous les 3 ans", "Pas de plante attractive pour les abeilles dans la rotation des cultures" (et le maïs ?), "Installer des déflecteurs sur les semoirs pour que les poussières ne s'envolent pas", "Remplissez le semoir à plus de 10 mètres du bord du champ", "Semer par vent faible", "Portez des équipements qui protègent les yeux, la bouche et le nez, notamment un masque, des gants, une combinaison à capuche". Serait-ce "les graines de la mort" pour exiger de l'agriculteur tant de précautions ?

Vous pouvez consulter toutes les précautions d'emplois à l'intention de l'agriculteur. A vous donner froid dans le dos.(1)

Veulent-ils exterminer les apiculteurs, ces témoins gênants ? Les abeilles disparaissent en quantité depuis une dizaine d'années, ce qui correspond à l'arrivée des néonicotinoïdes dont le fameux Gaucho que tout le monde croit interdit, mais sa molécule "l'Imidaclopride" est de plus en plus présente dans les sols français. Elle est toujours utilisée pour les céréales, pour la betterave à sucre, pour des fruitiers sous une vingtaine de marques commerciales, liste que vous pouvez trouver sur le site du ministère de l'Agriculture(2).

Elle est présente partout. Une étude, en 2002-2003, relevait que 60 % à 70% des pollens de végétation spontanée contenaient de l'Imidaclopride à des doses suffisantes pour constituer une toxicité chronique.

La plupart des apiculteurs sont convaincus de ces faits, mais ce n'est pas facile pour eux de le prouver : les abeilles ne revenant pas à la ruche, il est difficile de les faire analyser. On assiste de plus en plus à une dépopulation des ruches tout au long de la saison, avec beaucoup de problèmes de fertilité (beaucoup de ruches bourdonneuses). Et que sait-on aujourd'hui des effets synergiques de plusieurs molécules ? On retrouve un tel cocktail dans la nature, même dans l'eau de pluie. (Voir étude 1999-2002.(3))

Une récente étude en Italie a prouvé l'extrême toxicité des exsudats de maïs traités aux néonicotinoïdes, de l'ordre de 1 000 fois la dose fatale à l'abeille(4)

La plupart des apiculteurs sont écoeurés du refrain de l'AFSSA : "Les mortalités d'abeilles sont dues à des causes multifactorielles." L'apiculteur était-il plus compétent autrefois ? Il y a moins de vingt ans, des "papis" produisaient du miel en se contentant de soulever le toit de la ruche deux fois par an, une fois pour poser la hausse, une fois pour l'enlever. Leur principal souci était d'avoir des ruches vides pour installer les essaims naturels qui se présentaient.

Aujourd'hui, malgré les élevages de reines et les nombreux essaims que nous faisons sans cesse, nous avons en permanence des palettes de ruches vides. L'évolution est dramatique depuis quelques années.

D'ailleurs les chiffres officiels l'annoncent : moins 15 000 apiculteurs amateurs au niveau national entre 1994 et 2004 (source audit GEM), et depuis le déclin s'est accéléré.

Les maladies, les parasites ou les champignons divers existaient avant, ils ne sont pas la cause première de nos soucis mais plutôt la conséquence de l'affaiblissement par les pesticides.

Méfiez-vous de la désinformation perpétuelle pratiquée par le lobby agrochimique dans les médias, sur Internet avec ses liens sponsorisés.

Quand vous tapez "abeilles, environnement", vous avez financé par BASF et les grands semenciers, vous y trouverez tout sur les menaces pesant sur l'abeille mais, bien sûr, un dédouanement des pesticides(5).

Nous avons face à nous la puissance de l'industrie chimique. Des "journalistes agricoles" tel Gil Rivière-Wekstein leur sont totalement dévoués(6)... Ils réussissent même à établir une "collaboration" avec des collègues apiculteurs tel Philippe Lecompte, apiculteur, bio de surcroît.

Doit-on encore considérer ceux-ci comme "apiculteurs" ou d'abord comme "consultants" pour ces firmes chimiques ?

L'UIPP (l'Union des industries de la protection des plantes)(7), organisme de propagande des pesticides siège à l'AFSSA. Ainsi l'on comprend mieux pourquoi l'AFSSA peine tant à accuser les pesticides. Sa présence est-elle compatible avec un fonctionnement indépendant ?(8)

Hier, je suis resté très perplexe à la lecture de la dernière fiche "Avertissements agricoles" sur l'utilisation du Cruiser, émise par le SRPV (Service régional de la protection des végétaux). Juste les précautions d'emploi minimum concernant l'aspect technique. Absolument rien sur la forte toxicité du produit, même pas pour l'agriculteur. Aucune consigne pour demander de restreindre ce traitement des plus polluant aux parcelles à risques avérés.

Récemment en Bretagne (et ailleurs sans doute), une grosse propagande a eu lieu pour inciter les agriculteurs à commander des semences traitées Cruiser, propagande faite par l'industrie chimique et très bien relayée par certains revendeurs. Ils parviennent à convaincre nombre d'agriculteurs de jouer la sécurité, on met de la semence traitée même où il y a très peu de risques de taupins, pour ça il y a même des promotions.

Pourtant un technicien agricole expérimenté, libre et indépendant, vous dira que de nombreux agriculteurs conventionnels ne connaissent pas de dégâts sérieux dus aux taupins. Il vous dira que les risques déclenchant sont bien connus : dégradation des matières organiques en anaérobie, pH insuffisant, déséquilibre des sols. Il est aussi évident que ces agriculteurs savent depuis longtemps incorporer les matières organiques au sol, bien avant le semis.

Soyons tous bien conscients que ce n'est pas ces 1 % à 2% de parcelles à risques qui sont visées par Syngenta, mais bien toutes les surfaces de maïs. Dans leurs documents publicitaires, avec des arguments partisans et mensongers, ils promettent des rendements meilleurs dans toutes les situations, la lutte contre le taupin n'est qu'un prétexte et une porte d'entrée pour convaincre les agriculteurs à acheter leur poison.

Le matraquage systématique par la diffusion de "bulletins d'alertes taupins" auprès de techniciens agricoles et dans les journaux agricoles a préparé le terrain depuis quelques années. Ils avaient annoncé un pullulement de taupins suite à l'interdiction de certains produits jugés trop toxiques.

Comme ce ne fût pas le cas, il fallait aux firmes chimiques maintenir la pression, communiquer tous azimuts sur les parcelles touchées, sinon l'absence de traitements (et de taupins) aurait pu habituer l'agriculteur à se passer de ces produits que les firmes veulent rendre indispensables.

Les agriculteurs italiens aussi ont dû faire face à ces stratégies commerciales, offrant certains hybrides quasi exclusivement en semence traitée avec insecticides, ils contraignent les agriculteurs à acheter, bon gré mal gré, de la semence traitée.

Mais en Italie, suite à des hécatombes d'abeilles, toutes les semences traitées insecticides sont aujourd'hui interdites (Gaucho, Cruiser). Auparavant, une expérience pluriannuelle, 2003-2006, menée sur un échantillon représentatif des conditions du maïs dans la plaine Padane, avait montré que le traitement avec des insecticides (Gaucho, Cruiser, Poncho, Régent) n'avait pas d'incidence de manière significative sur les rendements et la production du maïs (Université de Padoue).

L'expérimentation avait mis en évidence que les rendements de maïs obtenus à partir de semences traitées avec fongicides seuls tendent à être supérieurs à ceux obtenus avec des semences traitées avec insecticides, alors qu'il n'y avait aucune différence de production significative entre le maïs provenant de semences traitées avec insecticides et les non-traitées.

Cette étude contredit tout ce qui est annoncé par Syngenta. En outre, les semences sans insecticides ont tendance à germer plus rapidement. Malgré l'expérience italienne, il va falloir, à notre tour, qu'on subisse ces hécatombes d'abeilles, qu'on accepte une pollution des sols, de l'eau, de l'air. Tout ça pour les seuls intérêts de Syngenta.

Nos responsables agricoles ne peuvent pas ignorer ces études. L'on peut donc s'interroger sur le rôle joué par la puissante FNSEA dans cette désinformation. Ses dirigeants roulent-ils exclusivement pour les firmes chimiques et les grands semenciers ? Ou alors que font-ils pour défendre, un tant soit peu, les vrais intérêts des agriculteurs ?

Cette année, le produit miracle est chez nous, il s'appelle "Cruiser", et la lutte contre le taupin - ou plus souvent son fantôme - va battre son plein. Ici en Bretagne, nous avons, pour notre plus grand malheur, un des leaders du hard discount en pesticides. Ses pratiques commerciales, dont le seul objectif est de faire du chiffre, sont en totale opposition avec les belles déclarations de son site Internet(9).

Commercialisant des variétés de semences de maïs bon marché, la Cooperl (la coopérative des producteurs de porcs à Lamballe) réussi l'exploit de proposer des semences Cruiser quasiment aux tarifs pratiqués par d'autres coopératives pour des semences non traitées.

De ce fait, beaucoup d'agriculteurs cèdent aux arguments fallacieux du commercial. Et c'est ainsi plusieurs milliers d'ha de maïs Cruiser que la Cooperl va ensemencer pour cette saison aux quatre coins de la Bretagne.

Sur nos 4 départements, le maïs couvrira plus de 400 000 ha. Si l'on se doit de féliciter les revendeurs courageux et responsables qui ont refusé les semences Cruiser, il est légitime aussi de monter du doigt les irresponsables qui, par une propagande mensongère, atteindront peut-être les 50 %... Imaginez la quantité de ce poison de thiaméthoxam balancé dans la nature, et qui fatalement nous reviendra à la figure par l'air, par l'eau, par notre alimentation.

Quels en seront les dégâts pour nos abeilles déjà trop malmenées ?

Qui peut dire quelle part de ce thiaméthoxam aboutira dans nos rivières ?

Quel est l'avis du consommateur et du contribuable ?

Qu'en pense le conseiller régional quand il doit trouver des millions d'euros pour le programme "Bretagne eau pure" ou lorsqu'il vote d'importants crédits pour une agriculture plus respectueuse de l'environnement ?

Tout ceci se fait en usant de formules injustes et malhonnêtes. "L'agriculture durable et raisonnée", dit une publicité Cruiser expédiée aux agriculteurs(1). Alors que c'est tout l'inverse du raisonné puisque l'on pellicule le grain d'insecticide et de fongicide sans savoir s'il y aura attaque d'insectes ou champignon éventuel. C'est le summum du traitement systématique et déraisonné.

L'abeille est le témoin malheureux de ces pratiques inconscientes. Quel éleveur, quelle que soit la production, survivrait économiquement et psychologiquement à des pertes régulières de son cheptel de l'ordre de 30 %, 40 % et parfois au-delà de 50 % ?

Des collègues sont désespérés, va-t-il falloir des drames humains, des drames familiaux pour que l'administration française arrête de nous traiter avec mépris ?

Dans tout rapport officiel sur l'apiculture, une prétendue incompétence des apiculteurs prend plus de place que les conséquences de l'usage des pesticides.

Quand j'ai démarré, il y a vingt-cinq ans, quasiment sans formation et sans expérience, la taille de mon cheptel progressait sans difficulté.

Aujourd'hui, malgré les techniques que j'ai acquises, les moyens plus importants dont je dispose, je me sens aussi désarmé que le débutant.

En cette fin mars, lors de mes premières visites ce printemps, la situation est toujours aussi préoccupante. Consultez en annexe, l'évolution du cheptel d'un jeune apiculteur installé en Bretagne en 2005 avec 400 colonies(12).

Le récent rapport de Martial Saddier "Pour une filière apicole durable" ne nous donne aucun espoir. La limite des investigations est fixée dans la lettre de mission du Premier ministre M. Fillon en une phrase : "Sans préjudice de la nécessaire prise en compte de la protection sanitaire des cultures". En d'autres mots : "Rassurez les apiculteurs ! Occupez-les ! Mais interdiction au député de mettre en cause les pesticides". Ces consignes ont été respectées, vous pouvez le constater dans le rapport(10).

 

Face aux défis que nous devons affronter, les moyens d'actions de notre syndicat sont dérisoires. L'adversaire est puissant, mais nous avons pour nous notre bonne foi et notre conscience et un fabuleux atout : l'opinion publique, car de plus en plus de personnes sont victimes de ces poisons jusque dans leur chair, et ils doivent en plus payer les dépollutions.

Nous avons besoin d'être épaulés, nous manquons de moyens financiers pour communiquer, pour combattre l'hypocrisie des lobbyistes de l'agrochimie.

L'urgence et l'enjeu sont de taille, ils concernent chacun d'entre nous.

Diffusez ce mail, alertez vos élus pour mettre l'agrochimie face à ses responsabilités. Le maïs dans nos campagnes bretonnes : une catastrophe pour la planète :

- une plante exigeante en eau, en engrais, en pesticides, donc des plus polluante,

- une plante déséquilibrée pour l'alimentation de nos troupeaux, nécessité d'équilibrer les rations alimentaire avec du soja OGM, produit à l'autre bout de la planète au détriment des forêts et des cultures vivrières, affamant encore un peu plus les populations démunies(11).

 

José NADAN

Apiculteur professionnel depuis 1984 - Président du SAPB

Jose.nadan@wanadoo.fr

 

 

(1) Guide des bonnes pratiques Syngenta, adressé aux agriculteurs

http://www.syngenta-agro.fr/synweb/produit_fiche_1694_1_C...

(2) Site du ministère de l'Agriculture

http://e-phy.agriculture.gouv.fr/

(3) "Produits phytosanitaires dans les eaux de pluie de la Région Nord-Pas-de-Calais", 1999-2002, l'étude ne semble plus téléchargeable (résultats peut être trop inquiétants ?). Nous pouvons vous la transmettre si vous désirez.

(4) http://www.univers-nature.com/inf/inf_actualite1.cgi?id=3...

http://www.mieliditalia.it/n_rugiada.htm

(5) www.jacheres-apicoles.fr

(6) www.affaire-gaucho-regent.com

(7) http://www.uipp.org/

(8) Lire "Pesticides, révélations sur un scandale français".

http://www.fabrice-nicolino.com

((9) Site de la Cooperl :

http://www.cooperl-hunaudaye.fr

(10) Rapport Saddier :

http://www.developpement-durable.gouv.fr/article.php3?id_...

(11) Voir le film "Herbe" :

http://www.herbe-lefilm.com/

(à voir : Le Titanic Apicole - La Terreur Pesticide )

 

 

 

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- constitue une grave menace supplémentaire pour nos abeilles,

- constitue une grave menace pour l'eau, de nos rivières jusqu'à notre table.

Lu dans http://www.votre-sante.com/suite.php?dateedit=1238266080

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