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Grève générale !

pougetperepeinard.jpgEn ces jours de grèves pensons à ceux qui se sont battus, à ceux qui meurent sur les chantiers, à ceux qui descendent dans la rue et à ceux qui ne peuvent pas le faire, à ceux qui ne savent pas... à ceux qui ne sentent pas que nous revenons au XIXe.

Par Emile Pouget Extrait du journal Le Pere Peinard Le 3 novembre 1889

Nom de dieu, ça a l’air de chauffer bougrement dans tous les patelins. Si ça marche sur ce pied, nous allons en voir de belles : ça pourrait bien être le commencement de l’entrée en danse. Dans le Pas deCalais et dans le Nord, les mineurs se remuent et font du pétard. En Belgique, dans un patelin qui est tout noir de charbon, le Borinage, et où les pauvres bougres triment dur et gagnent peu, ça bibelotte aussi. Les Angliches eux, font des réunions épastrouillantes, dans les rues et sur les places. Ils sont des millier, et des milliers à discuter la question de la Grève Générale. Y a pas jusqu’aux Alboches qui n’aient des intentions de faire du chabanais. Les mineurs de Westphalie ont été roulés comme des couillons par leur cochon d’empereur et leurs salops de patrons. Ils ont ça sur le coeur, et ils n’attendent qu’une occase pour recommencer plus hardiment que la première fois.

Ah, mille tonnerres, l’hiver s’annonce bougrement mal pour les richards ; tout ça va leur foutre une frousse du diable ! Ils pourraient bien piquer un de ces chahuts, très hurf, quelque chose dans les grands prix, qui les ferait rire jaune. Et nom de dieu, m’est avis que ça ne serait pas trop tôt. Seulement les amis, si on veut que ça aille comme sur des roulettes, faut pas faire les daims comme on a fait jusqu’ici. Faut plus se foutre en branle les uns après les autres, on n’y gagne que de se faire assommer chacun à son tour, et sans profit pour personne. Aujourd’hui c’est la Grève Générale qu’il faut. Par exemple, pour le moment c’est les mineurs qui font du pétard ; le plus beau coup serait que tous les bons bougres qui travaillent dans les mines cessent illico de sortir du charbon.

Puis, qu’il y ait de l’entente, que les uns ne tirent pas à hue, les autres à dia ! D’autant plus que s’il n’y a pas de solidarité entre les bons bougres, c’est eux qui en supportent les conséquences.

A preuve les mineurs de Lens ; ils s’étaient foutus les premiers en grève, et les premiers ils ont repris le turbin. La Compagnie leur avait promis 10 pour 100 d’augmentation, les types étaient contents, ils croyaient avoir dégotté le Pérou, parce que leurs singes leur foutaient dix sous de plus par jour ! Tas de couillons. Or, savezvous ? La Compagnie les a augmenté de dix sous, mais du même coup, elle les a diminué de quinze ; bénéfice net : cinq sous de perte par jour !

Ah, nom de dieu, les patrons sont de meilleurs calculateurs qu’on ne pense : à chipotter sur les centimes avec eux, le populo sera toujours foutu dedans. Je vois d’ici la gueule que vont faire les Lensois le 6 novembre, qui est le jour de sainte Touche pour eux. Quand ils vont voir que leur quinzaine après leur victoire est moins forte qu’avant, ils allongeront un de ces nez, qui pourrait bien porter malheur aux crapules de la Compagnie. Voilà ce qu’ils ont gagné à vouloir faire la grève partielle !

Oui, nom de dieu, y a plus que ça aujourd’hui : la Grève Générale ! Voyezvous ce qui arriverait, si dans quinze jours ou trois semaines y avait plus de charbon. Les usines s’arrêteraient, les grandes villes n’auraient plus de gaz, les chemins de fer roupilleraient. Ça serait la grève forcée pour un tas de métiers. Du coup le populo presque tout entier se reposerait. Ça lui donnerait le temps de réfléchir, il comprendrait qu’il est salement volé par les patrons, et dam, il se pourrait bien qu’il leur secoue les puces daredare !

Mais nom de dieu, faudrait pas se borner à la grève toute pure. C’est une blague infecte, qui ne procure que davantage de mistoufle, si au bout d’un mois ou deux, il faut rentrer couillons comme la lune, dans le bagne patronal. Faut plus de ça mille tonnerres ! Les bons bougres comprendront qu’ils ont mieux à faire qu’à s’enfermer dans leurs piaules, ou à se balader en rangs d’oignon, en gueulant des chansons pacifiques. Ils comprendront que le moment est venu de foutre les pieds dans le plat. Tant que le populo ne se sera pas foutu dans la caboche qu’il doit se passer de patrons, y aura rien de fait. Or pour apprendre à se passer de cette sale vermine, faut faire comme si elle n’existait pas.

Ainsi par exemple les mines, c’est les mineurs qui les ont creusées, c’est Le eux qui les entretiennent et les pomponnent, c’est eux qui en sortent le charbon : les grosses légumes ne font qu’empocher les picaillons, et rien de plus. Donc, une fois que les mineurs seraient tous en l’air, que la grève serait quasiment générale ; après avoir affirmé en quittant le turbin, qu’ils en ont plein le cul de travailler pour leurs singes.

Faudrait, nom de dieu, qu’ils se foutent à turbiner pour leur propre compte ; la mine est à eux, elle leur a été volée par les richards, qu’ils reprennent leur bien, mille bombes ! Et si les mineurs travaillaient pour eux, s’ils refusaient aux exploiteurs les gros bénéfices, y aurait plus les avaros qu’il y a : plus de grisou, plus de types écrabouillés, plus de purée pour les vieux, plus de mistoufle pour les estropiés ! Oui, ce nom de dieu, voilà ce qu’il faudrait ! Et le jour où assez marioles, y aura une tripotée de bons bougres qui commenceront le chabanais dans ce sens, eh bien, nom de dieu, foi de Père peinard, le commencement de la fin sera arrivé !
Le 3 novembre 1889

 

mh,

vu sur: http://www.non-fides.fr/

Catégories : Devant mon thé, 4 commentaires Imprimer Pin it! Lien permanent

Commentaires

  • superbe texte, mais hélas rien ne leur "fout la frousse" aux richards et ils ont "raison", le populo est impuissant et qui plus est leur a donné le pouvoir!

  • impuissant marie ? je ne le crois pas. ficelé, oui... comme ce coupeur de canne à sucre qui trime tout le jour et donne toute sa paye à son boss contre le gite et le couvert.. le serpent qui se mord la queue.
    je te rappelle qu'il nous est déjà arrivé de ne plus nous la mordre ;))
    dommage que tu traites royal de nunuche, tu perds ta crédibilité à mes yeux. pour ma part, je n'oublie pas que nous sommes aujourd'hui dans une société totalement pervertie, où les actes sont détournés de leur sens. certain(e)s en ont fait l'expérience, ne serait ce que dans leur couple, face à un pervers: "tout ce que vous ferez ou direz sera retenu contre vous".
    vu les forces en place, il vaudrait mieux se serrer les coudes que se les envoyer dans les cotes..
    bref, tout ça pour te dire de ne pas céder au désespoir ambiant, nous sommes peut être des veaux, comme disait le général, mais les veaux un jour, deviennent des taureaux (ou des vaches ;), lorsqu'ils échappent aux côtelettes, bien sur.
    hasta la victoria siempre !

  • Mais bon parfois on se demande si ça n'en arrangerait pas certains que "ça" explose. Arf tout vient de nous de toute façon, est-on suffisamment confortable dans la m...?Ou dans la "pas tant m... que ça, ça pourrait être pire" ?
    Bon rien.
    J'ai pas vu le nunuche de ségolène de Marie... (Salud en passant Marie)

  • Dire ce que je pense de Ségolène ou de son parti dit socialiste n'a rien à voir avec le manque de solidarité mais avec la lucidité. si le ps n'est plus au gouvernement, c'est qu'il ne représentait plus un espoir de changement. I je me suis détournée du pc dans le temps, c'est parce que je refusais de renoncer à mon esprit critique. Ce n'est pas parce qu'une femme est candidate que je renonce à critiquer ses positions. Ce serait du féminisme bien mal compris.
    Quant au populo, il a voté pour Sarko, je refuse de l'idéaliser. J'ai trop souvent été confrontée au racisme et à la lâcheté de malheureux qui préféraient ramper et se laisser diviser, pas conscients du fait que l'union fait la force, ou même qui me soupçonnait de je ne sais quoi quand je les soutenais de manière désintéressée.
    Désespoir ? non, lassitude et réalisme. Même en temps que femme victime d'un pervers, je n'ai pas réussi à faire comprendre aux autres femmes que se défendre seule est sans issue. On s'use à se battre seul et on se fait laminer...

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