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amours

  • No Future.

    no future,amies,amours,artistesDevant, je ne vois rien.
    Il paraît qu’il faut construire de la certitude.
    Devant, je ne vois rien.
    Jorge, JORGE ! Où es-tu ?
    Je ne vois rien. Oh, Dieu, je ne vois rien ! Je ne sais pas.
    Il faut avancer à petits pas. Il faut bénir la vie d’être vivant. Il faut répondre quand on t’interroge, il faut être féminine. Il faut être gentille. Il faut rire. Il faut sourire.
    Tout ça qu’il faut.
    Et moi qui ne voit rien.

    — C’est toi qui l’as dit, mh, il faut supprimer tous les « il faut ».
    — Il faut se méfier de la clarté, Moune. Où sont les sculptures et les livres qu’on imaginait produire dans nos rêves ? Où sont-ils ?
    — On est toujours les mêmes, mh, et pourtant on a changé. On est toujours les mêmes en dedans. On essaie d’être. On essaie de ne pas se cacher. On essaie d’être dans le vif.

    — C’est quoi, dis, être des « artistes » ?
    — ...
    — Je crois qu’il serait bien temps de la cultiver, la certitude.
    — ...
    — On a 16 ans, 17 ans, 18 ans.
    — On va pêcher des truites dans l’Adour.
    — On va faire cuire des saucisses sur une île au milieu.
    — Le feu s’étendra. On ne pourra pas manger les saucisses.
    — Et puis il faudra vite partir de l’île en cailloux parce qu’il y aura trop de courant.
    — On n’aura pas pêché les truites.
    — On montera sur la remorque.
    — On ira danser, on fumera nos premières cigarettes.
    — On se fera embrasser par les garçons.
    — On sautera dans les orties pour leur échapper.
    — On connaîtra les plaisirs des granges à foin.
    — Les clairs de lune : le dos piqué par l’herbe.
    — Je vois tout ça derrière, et devant, je ne vois rien.
    — C’est comme la brume ?
    — Non, c’est comme… c’est comme… je ne sais pas… Si les jours se répétaient semblables, toujours, toujours, et que je ne savais les changer. Je ne suis simplement pas capable d’être ce que j’ai rêvé. Mais ce n’est pas grave. Je ne sais pas si c’est moi qui ai pris du retard ou les coups sur la tête de ma lignée.
    — Tu te souviens, le gitan ?
    — Et le berger sur ses échasses ?
    — Où tu vas la chercher, toi, la certitude ?
    — Je ne sais pas, je ne sais pas.
    — T’as jamais été aussi heureuse que lorsque tu tapais sur une pierre qui te mettait les doigts en sang au bord de ta rivière.

    Qu’est-ce que j’ai pu pleurer en écrivant ! C’était comme ça, j’étais ce quelqu’un que je racontais, et je pleurais, je pleurais. C’est une vague ; ça t’emporte ; c’est si désespérément difficile d’y entrer et d’en sortir ! Je ne suis pas assez grande.
    — Tu crois qu’ils comprennent ?
    — Et lui, tu te souviens ?
    — C’est ça que tu m’avais dit : les mecs aussi fous, aussi intéressants, ils sont toujours invivables. Tu m’avais dit d’y aller.
    Je n’avais jamais ressenti de l’amour comme ça avant. Je n’ai jamais été aussi « folle » d’amour pour quelqu’un. Mais maintenant, quand je le vois, il n’est pas lui. Il n’est pas celui-là que j’ai aimé. Il était ce moment où on était ensemble, où on parlait, sentait l’infini en nous, où sa musique me transportait, et où je le faisais, lui, pleurer avec mes mots.
    — Vous étiez comme des enfants perdus.
    — On parlait du mal. Du mal qu’il fallait traverser.
    — Avec cet amour que j’ai eu pour Lovely et Fanne, je ne suis pas prête d’aimer à nouveau comme ça.
    — C’est des amours pour qui on a été à deux doigts de mourir.
    — Oui… mais à deux doigts.
    — Et ce ne sont pas des mots pour de rire.
    — Non, je sais bien…

    ...

    — Maintenant, je ne vois rien. Je ne vois rien devant.

    ………..

    mh,

     

    No future

    In front of me, I see nothing.
    They say you have to build certainty.
    In front of me, I see nothing.
    Jorge, JORGE! Where are you?
    I see nothing. Oh God, I see nothing! I don’t know.
    You have to move forward in small steps.
    You have to bless life for being alive.
    You have to answer when questioned,
    You have to be feminine.
    You have to be kind.
    You have to laugh.
    You have to smile.
    All these "have tos."
    And I, who see nothing.
    — You’re the one who said it, mh, you have to get rid of all the "have tos."
    — You have to be wary of clarity, Moune. Where are the sculptures and books we dreamed of creating? Where are they?
    — We’re still the same, mh, and yet we’ve changed. We’re still the same inside. We try to be. We try not to hide. We try to live fully.
    — What does it mean, tell me, to be "artists"?
    — …
    — I think it’s about time we started cultivating certainty.
    — …
    — We’re 16, 17, 18 years old.
    — We’ll fish for trout in the Adour.
    — We’ll cook sausages on an island in the middle.
    — The fire will spread. We won’t be able to eat the sausages.
    — And then we’ll have to leave the pebble island quickly because the current will be too strong.
    — We won’t have caught the trout.
    — We’ll climb onto the trailer.
    — We’ll go dancing, smoke our first cigarettes.
    — We’ll get kissed by boys.
    — We’ll jump into nettles to escape them.
    — We’ll discover the pleasures of hay barns.
    — Moonlit nights: our backs pricked by the grass.
    — I see all of that behind me, and in front of me, I see nothing.
    — Is it like the fog?
    — No, it’s like… it’s like… I don’t know. If the days kept repeating themselves, always, always the same, and I didn’t know how to change them. I’m simply incapable of being what I dreamed of. But it doesn’t matter. I don’t know if it’s me who’s fallen behind or the blows dealt to my lineage.
    — Do you remember the Gypsy?
    — And the shepherd on his stilts?
    — Where do you find it, this certainty?
    — I don’t know, I don’t know.
    — You were never as happy as when you were pounding on a stone that made your fingers bleed by your river.
    Oh, how I cried while writing! That’s how it was. I was that someone I was describing, and I cried, I cried. It’s a wave; it carries you away; it’s so desperately hard to enter and to leave! I’m not big enough.
    — Do you think they understand?
    — And him, do you remember?
    — That’s what you told me: guys that crazy, that interesting, they’re always impossible to live with. You told me to go for it.
    I had never felt love like that before. I’ve never been that "mad" in love with someone. But now, when I see him, he isn’t him. He’s not the one I loved. He was that moment when we were together, when we talked, felt the infinite within us, when his music carried me away, and I made him cry with my words.
    — You were like lost children.
    — We talked about evil. The evil we had to endure.
    — With that love I had for Lovely and Fanne, I’m not ready to love like that again.
    — These are the kinds of loves that bring you to the brink of death.
    — Yes… but just to the brink.
    — And those aren’t words to laugh at.
    — No, I know that well…

    — Now, I see nothing. I see nothing ahead.
    ………
    ©mh,

    Catégories : La lettre de mh 0 commentaire Imprimer Pin it! Lien permanent