La semaine dernière, chassant le bouquin dans la librairie de mon quartier, je tombe sur un gros poche de chez poche : « Je sais cuisiner » de Ginette Mathiot. Dessus il est écrit « Le livre culte de mère en fille ». Comme je suis crédule, j’ai acheté la somme, ainsi que, toujours en poche et d’égale épaisseur, le « SOS cuisine » de Jean pierre Coffe. En les feuilletant, j’ai noté quelques similitudes. Je suppose que Jean Pierre Coffe fut adepte du dit culte, ou du moins qu’il en eut un jour connaissance. N’étant pas forcément à l’aise avec la notion de dévotion, je suis cependant curieuse des savoir-faire de chacun. J’ai connu dans mon enfance une énorme bible gastronomique à couleur pourpre plus impressionnante qu’un petit poche. Je me sens donc à même d’attaquer sans peine et d’adapter à mon usage personnel les cultes et astuces des uns et des autres.
Las. Ma solitude fut grande lorsque je décidais de mettre mes mains dans la confiture.
Recette n°1713 de G M suivi du mode opératoire n°1209 pour les différentes étapes de cuisson du sucre.
Je n’ai pas souvenir que mon père se fut occupé du « petit perlé » quand il cuisait les siennes, mais à l’époque, la cuisine, même petitement perlée, n’était pas au centre de mes préoccupations. Donc, je dénoyaute mes abricots (puisque c’est de confiture d’abricot qu’il s’agit). Il faut le même poids de fruits que de sucre. En mon for intérieur je râle (mon père mettait moins de sucre, mais je vais y arriver toute seule grgrgr). Ensuite, je dois préparer un sirop de sucre.
C’est la première fois de ma vie que je prépare un sirop de sucre !
J’aurais pu le fêter au champagne mais le sucre n’attend pas. Il passe tellement vite du « nappé » au « petit boulé » et « au petit cassé », que je crois bien que j’ai raté l’étape cruciale du « petit perlé !». C’est à ce moment-là, quand le sirop de sucre est « au petit perlé » c'est-à-dire au moment où « il forme à la surface ronde des petites perles rondes et que pris entre les doigts il se forme un filament de 4 à 5 cm », qu’il faut « y jeter les fruits »
Bon déjà il y a un problème linguistique, quand je vois des bulles, je ne vois pas des PERLES. Des perles, ça brille, c’est rond et c’est dur. J’attends le moment mystérieux ou le sucre va se transformer en petites perles dures ?
Quand à plonger mes doigts dans le liquide bouillant pour mesurer le filament. Au jugé et avec une cuillère en bois pour mes doigts il ne mesure pas plus de 2 cm.
Là, devant ma casserole, avec mon sucre qui passait d’une étape à l’autre sans que je m’en rende compte (c’est ce que l’on appelle une distorsion temporelle) je songeais à la vie et à ces luttes. Je me disais que le petit perlé était l’une des étapes qui me hisserait un jour sans doute jusqu’au nirvana culinaire.
Pendant ce temps le sucre en était à sa dixième étape de cuisson : « Le grand cassé ». Il ressemblait à une banquise chaude. Si je n’y plongeais pas les abricots tout de suite, je risquais de faire du caramel.
Mon esprit a vagabondé un temps en ce demandant le goût que pouvait bien avoir un caramel d’abricot, puis je suis revenu à la recette n°1713. Jetage de fruits, repêchage à la première ébullition, égouttage. « Faire bouillir à nouveau le sirop jusqu’au « petit perlé » (elle se fout de moi GM ce n'est pas possible ! J’ai vaguement attendu les grosses bulles), y remettre les abricots, porter à ébullition, Ajouter quelques amandes retirées des noyaux ».
Voilà, j’ai rempli mes 3 bocaux. Je mets une amande par pot, je les avais oubliés. Ayant attaqué les noyaux au marteau, les amandes ont un peu souffert…
Je me demande si ce n’est pas cela qui donne un fort goût de vernis mat à ma confiture ?
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Commentaires
j'aime bien les vieilles recettes inventées au fil de vies entières de cuisinières assidues à leurs frourneaux. Elle n'avaient sans doute rien d'autre à faire qu'à tripoter du sirop en formation ...
Bref: en matière de confiture, il faudrait commencer par revenir aux fontamentaux:
-1- pourquoi on fait de la confiture ? pour assurer la conservation de produits vivants, donc instables, avec la secrète idée de faire en sorte que ladite conservation concerne tout ce qui les compose, y compris ce qui est là pour nous faire du bien. Pendant les millénaires pendant lesquels nos cerveaux émergeaient péniblement des brumes de nos ancêtres homminidés, nous avons fait ce que nous pouvions copier sur la nature, à savoir ....
-2- comment conserver des produits frais ? les plus vieilles recettes ont probablement utilisé le séchage des fruits, ce qui évitait pas mal de déboires aux vitamines, mais provoquait des modifications enzimatiques irréversibles nous privant d'autres bontés de la nature (sels minéraux, molécules médicamenteuses naturelles, collagènes vegataux etc . ) vint ensuite la découverte du feu, la cuisson (ratée trop souvent) des fruits et légumes (un jour MH nous fera un cours sur la différence entre les 2), puis l'ébullition, la salaison, l'hydrogènisation (conservation dans l'huile), et à la faveur des guerres de Napoléon, l'apertisation (la boite de conserve, quoi...) Les confitures sont des procédés assez modernes, qui datent le l'âge du sucre (16eme siècle pour le sucre de canne, 19eme pour le sucre de betterave). la confiture est sans doute lepire moyen de conservation: cuisson à haute température (120° parfois), fracture des molécules vivantes et dénaturation en succédannés de goûts "apparentés" (à tel point qu'on ajoute des arômes pour rattraper la casse, voir les amandes des abricots), hyper sacharinnisation des fruits etc etc ...
la solution consisterait à conserver les fruits dans leur état, après un passage sous vide et une conservation réfrigérée dans un emballage adéquat.
Bon appétit
Rob