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Ma câline.

J’amène la ninette à l’école. Devant la classe, elle finit le gâteau au chocolat de son petit déjeuner. Elle se lèche avec gourmandise les babines. Elle époussette sa robe, me donne la main et nous entrons dans la classe. « Aurevoir maman ».  Là, elle lâche ma main, et se dirige vers sa meilleure amie qui est assise et lit un livre. Elle s’assied à côté d’elle, entoure les épaules de S* de ses bras et lui fait une douce bise sur la joue.


Il y a de merveilleuses joies dans l’amitié. On le comprend sans peine si l’on remarque que la joie est contagieuse. Il suffit que ma présence procure à mon ami un peu de vraie joie pour que le spectacle de cette joie me fasse éprouver à mon tour une joie ; ainsi la joie que chacun donne lui est rendue ; en même temps des trésors de joie sont mis en liberté, et tous deux se disent : « J’avais en moi du bonheur dont je ne faisais rien.

La source de la joie est au-dedans, j’en conviens ; et rien n’est plus attristant que de voir des gens mécontents d’eux et de tout, qui se chatouillent les uns aux autres pour se faire rire. Mais il faut dire aussi que l’homme content, s’il est seul, oublie bientôt qu’il est content ; toute sa joie est bientôt endormie ; il en arrive à une espèce de stupidité et presque d’insensibilité. Le sentiment intérieur a besoin de mouvements extérieurs. Si quelque tyran m’emprisonnait pour m’apprendre à respecter les puissances, j’aurais comme règle de santé de rire tout seul tous les jours ; je donnerais de l’exercice à ma joie comme j’en donnerais à mes jambes.
Voici un paquet de branches sèches. Elles sont inertes en apparence comme la terre ; si vous les laissez là, elles deviendront terre. Pourtant elles enferment une ardeur cachée qu’elles ont prise au soleil. Approchez d’elles la plus petite flamme, et bientôt vous aurez un brasier crépitant. Il fallait seulement secouer la porte et réveiller le prisonnier.
C’est ainsi qu’il faut une espèce de mise en train pour éveiller la joie. Lorsque le petit enfant rit pour la première fois, son rire n’exprime rien du tout ; il ne rit pas parce qu’il est heureux ; je dirais plutôt qu’il est heureux parce qu’il rit ; il a du plaisir à rire, comme il en a à manger ; mais il faut d’abord qu’il mange. Cela n’est pas vrai seulement pour le rire ; on a besoin aussi de paroles pour savoir ce que l’on pense. Tant qu’on est seul on ne peut être soi. Les nigauds de moralistes disent qu’aimer c’est s’oublier ; vue trop simple ; plus on sort de soi-même et plus on est soi-même ; mieux aussi on se sent vivre. Ne laisse pas pourrir ton bois dans ta cave.

L'amitié
ALAIN, Propos sur le bonheur, (LXXVII).
Texte numérisé par Colette Lallement.

Catégories : Devant mon thé, 1 commentaire Imprimer Pin it! Lien permanent

Commentaires

  • D'autant plus intéressant que le "trend" est au boudhisme ou à sa sauce européenne et au: s'aimer soi-même sinon personne ne voudra de toi, ne s'attacher à rien ni personne, le rien c'est le nirvana, nia nia nia... ça commençait à m'énerver. du coup tu me donnes envie de lire Alain, v'là aut'chose!

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